La france d'en bas VS celle qui se lève tôt
Jeudi matin après la rentrée des classes, une cliente régulière mais toujours discrette s'approche du comptoire.
La cliente : Bonjour, un café s'il vous plait.
Elle se tourne vers l'homme au journal,
La cliente : Excusez moi, vous lisez le supplément emploi?
L'homme au journal: Eeeeuh, non, tenez.
La cliente : merci!
Il tourne une page, fait semblant de s'attarder sur un article et s'adresse bien vite au patron avec un soupire d'agacement.
L'homme au journal: Et ben, encore plus de chômeurs ce mois ci !
Le patron râle: Mare de payer pour tous ces fainéants, et ils faudrait les plaindre en plus !
Puis se tournant vers la cliente comme pour chercher son approbation, il pâlit soudain et corrige un peu.
Le patron: Je ne dit pas ça pour vous ma petite dame. Vous, vous cherchez vraiment.
Elle lui adresse un sourire gèné.
Le patron : Mais tous parasites qui travaillent seulement 6 mois et profitent des assédics après.
Son sourire se fige...
Et lui, continue:
Ceux là … j'voudrait bien qu'ils bossent un peu à ma place, c'est qu'on s'lève tôt quand on a une affaire à tenir. Faudrait les faire bosser gratos pour rembourser un peux c'qu'ilnous doivent en alloc, çà leur apprendrait à vivre à ces faineasses.
Elle redresse un peu la page emploi, pour cacher son visage qui commence à rougir de colère et de honte mêlées. Si cette année encore elle n'a que 6 mois de travaille c'est par ce que la société qui l'emploi pour la 4ieme année consécutive lui sert toujours la même rengaine. « on a pas de budget pour vous prendre en CDI cette année, croyez bien qu'on en est désolés, mais ne vois inquiétez pas on vous reprends au printemps comme d'habitude. Tachez d'être disponible en mai. Hein pas de blague! » Et faute de mieux, elle, elle rempile.
Oh, c'est pas qu'elle voudrait pas trouver autre chose de durable et les envoyer se faire voire quand il la sonneront comme une domestique. Elle n'est pas à leur disposition, l'esclavage, ça fait longtemps que c'est aboli. Y a des tas d'autres boulots ailleurs...
Enfin non justement, y en a pas tant que ça, et des travailleurs précaires dans son cas, par contre, il y en a à la pelle.
Alors elle ne réponds rien et se replonge, dans ses recherches sans trop y croire.
D'ailleurs cette foi encore, il n' y a rien pour elle, à part cette annonce qui reparait pour la troisième fois et à laquelle elle a répondu déjà deux fois précédente.
La première fois, la réponse indiquait que le poste était déjà pourvu, la deuxième foi elle n'a pas reçu de réponse, elle a appelé l'entreprise pour savoir ou en était le recrutement, la standardiste ne savait pas, le recruteur n'était pas là, la secrétaire était débordé et n'avait pas le temps de la prendre... pareil quand elle a ré-essayé 10 jours plus tard...
Alors en repensant à cette dernière, et au discours que le patron du bistro vient de servir, elle voudrait avoir encore l'audace de le regarder droit dans les yeux et de lui dire: « mais si vous avez trop de travaille embauchez moi! » Il y a quelque années seulement, elle osait cette réplique. Mais peine perdue.
Ce type derrière son comptoir, il est comme tant d'autres, il aime juste râler.
Diminuer sa charge de travail? Et quoi encore!
C'est ce qui légitime son statut.
Sans ça il ne pourrait pas revendiquer sa supériorité, son droit de juger les autres, d'être fatigué, et sa mauvaise humeur quasi-constante...
Il ne voudrait surtout pas se priver de son droit le plus sacré !
Alors, à quoi bon essayer ?
La serveuse adresse un sourire complice à la cliente, suivi d'un regard noir aux deux hommes du comptoir qui ne le remarquent pas, continuant à fustiger les inactifs, fontionnaires et autres moricaux de tout poils.
Elle traverse la sale avec les consommation de deux clients de passage au fond, près du jukeboxe. deux drôles de type d'une trentaine d'année, un black et un beurre.Quand ils ont posé chacun leur chapeau sur la table (celui qui se laissait pousser les envie et le Gadjo décalé) il y a eu quelque chose d'inhabituel. Quelque chose de compliqué à décrire et qu'aurrait pas plut au patron.
Disons que leur sourires semblaient tout a fait spontanés, un peut moqueurs peut être mais des vrais sourires quand même, épanouis, près a se transformer en rire à la première occasion. Et justement, Ils regardaient de loin vers le comptoire quand tout à coup, le vieux jukeboxe a repris vie sans prévenir...
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La cliente glissa un regard discret vers le fond de la salle, la conversation des deux hommes aux chapeaux devait être plaisante à en croire leur mine.
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Les lunettes rectangles ostensiblement glissées au bas du nez, Le black prenait un air faussement sérieux . Sa verve et son cynisme faisaient s'esclafer son compagnon. La musique se mellant à leur voix empechait cependant ceux du comptoire d'en profiter.
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Un troisième laron, un chevelu speed mais tout aussi avenant, vint les chercher ttp://www.deezer.com/listen-604834
Et tous repartirent avec leurs chapeaux et leur étuis à guitare.
Ne resta que la musique;
et pour ce qui concernait la cliente,
une envie retouvée :
Ne plus baisser les bras !
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